Douleur

Vous savez ce que c’est, la douleur ?
Pas celle qui vous terrasse d’un coup. Non.
Je parle de cette petite gêne, presque invisible,
celle qui s’installe sans faire de bruit,
qui gratte à peine au début. Moi, c’était au genou. Un truc banal.
Une friction, rien de grave, je croyais.
Quand je m’accroupissais, que je me relevais,
en montant les escaliers, en courant un peu.

C’était là. Discret. Présent. Mais pas urgent.
On m’avait dit que c’était normal.
« Le sport, ça fait mal. »
Alors j’ai continué. Sans rien faire. Sans écouter.

Et puis un jour, ça s’est aggravé.
Un week-end intense.
700 couverts à envoyer.
Je cours le dimanche. Encore le lundi.
Je sens que je force, mais je serre les dents.
Je me dis : "Ça passera."

Sauf que le mardi matin… Non. Ça ne passe pas.
Je galère à enfiler ma basket. Conduire devient une torture.
Mais je conduis quand même. Je vais bosser.
Parce qu’on fait ça, nous : on encaisse.

Le soir : pommade, glaçons.
Et cette idée : "Demain, ça ira mieux." Mais non.
Le jeudi, j’en peux plus. Direction les urgences.
Verdict : syndrome rotulien.
Liquide dans le genou. Douleur de chien.

Et là, je me pose la question :
Est-ce que j’ai été résilient… ou juste inconscient ?
Est-ce que j’ai tenu bon, ou est-ce que je me suis oublié ?

Aujourd’hui : attelle, béquilles,
cataplasmes d’argile verte et de chou.
Je ne marche plus.
Je ne conduis plus.
Je ne travaille plus.
Et ça peut durer trois mois. Peut-être plus.
Tout ça pour quoi ? Une course de trop ? Un silence de trop ?

Je pourrais me dire : "Bravo, t’as été fort."
Mais à quoi bon cette force
quand elle vous laisse sur le carreau ?

J’ai encaissé pendant des années.
Sans me plaindre.
Parce que se plaindre, c’est mal vu, non ?
On passe pour des faibles.

Mais aujourd’hui, je le dis :
J’aurais dû m’écouter.
Pas juste entendre la douleur,
mais vraiment l’écouter.

Et encore,
je ne parle que de la douleur du corps.
Pas de celle du cœur,
ni de celle du silence.

Mais au fond,
tout ça se rejoint.
La douleur, la violence, le silence.

Voilà.
C’est tout.

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